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ArticlesEnglish translation / Next articleConcurrence: Comment briser les regles Les Echos n 17839 du 17/02/99 p. 48 IDEES - LE POINT DE VUE DE PETE YOO Dans les années 80, IBM, Kodak et Canon sont entrés sur le marché des photocopieurs, alors sous la domination de Xerox. IBM et Kodak ont lancé des attaques frontales et cherché à égaler la gamme étendue de copieurs rapides de Xerox et ses milliers de vendeurs et techniciens hautement qualifiés. Canon a adopté une approche différente. Après avoir identifié trois règles de concurrence implicites suivies par Xerox (produire les machines les plus grosses et les plus rapides ; offrir les services les plus fiables ; faire des bénéfices sur les contrats de service après-vente), Canon a découvert que ces règles étaient basées sur deux hypothèses : les départements centraux de reprographie des entreprises sont les clients clefs ; ils recherchent les machines les plus rapides et le meilleur service. Des hypothèses dont Canon a remis en cause la validité pour tirer deux conclusions : les directeurs de département au sein des grandes entreprises représentent un potentiel très important de nouveaux clients ; ces clients sont plus demandeurs de bas prix et de machines de petite taille et de fiabilité que de vitesse. Ces nouvelles hypothèses ont conduit à de nouvelles règles de concurrence : produire les machines les plus petites et les moins chères ; offrir les machines les plus fiables ; faire des bénéfices sur les ventes récurrentes des cartouches de toner jetables. Au lieu d'essayer d'égaler la gamme de produits Xerox, Canon s'est concentré sur le développement des compétences requises pour réduire la taille des machines et rendre les composants fiables à moindre prix. Au lieu de former une armée de vendeurs et de techniciens, l'entreprise a fait appel au réseau déjà existant des détaillants en équipement de bureaux. IBM et Kodak ont payé cher leurs tentatives de battre Xerox à son propre jeu : IBM a quitté le marche et Kodak a été poussé dans un coin du segment des gros copieurs. Au contraire, Canon est devenu le leader d'un marché beaucoup plus large en transformant l'atout historique majeur de Xerox en un obstacle clef aux représailles potentielles : l'armée de vendeurs et de techniciens hautement qualifiés de Xerox a décourage le developpement, au sein de l'entreprise, de copieurs qui auraient rendu leur activité obsolète. Dans toute industrie, il existe deux types de concurrents : ceux qui respectent et suivent les règles de concurrence traditionnelle de leur industrie (« rule followers ») et ceux qui les cassent (« rule breakers »). Les « rule followers » prennent le plus souvent pour exemple l'organisation du leader et/ou tentent d'égaler ses performances par une série d'améliorations « incrémentales ». Ceux qui visent à atteindre les niveaux du leader sur le marché y parviennent généralement après un certain temps. Mais ils échouent à rattraper le leader : alors qu'ils s'efforcent de le rattraper, le leader est occupé à accroître ses performances et parvient à maintenir l'écart. IBM et Kodak l'ont appris à leurs dépens. Ceux qui s'observent et essaient de se dépasser en l'absence d'un tel leader finissent souvent dans une guerre de tranchées. Sans avantage compétitif clair, ils essaient de déverser des ressources humaines, technologiques et financières dans une série de batailles sans effet global conséquent. Comme l'illustre le marché des semi-conducteurs, le résultat est trop souvent des offres non différenciées, des marges devenues inexistantes et des milliards de francs de valeur actionnariale détruite. Les « rule breakers » vont plus loin et remettent en cause les hypothèses sous-jacentes aux règles de la concurrence. Ils identifient des hypothèses devenues obsolètes et essaient de les exploiter pour changer les règles de concurrence à leur avantage, comme Canon l'a fait. Mais tous les « rule breakers » ne sont pas les mêmes. Microsoft et Netscape ont cassé les règles du jeu concurrentiel sur le marché de l'information à des époques différentes. L'un a engendré l'homme le plus riche du monde, l'autre n'a eu un grand succès que durant six mois. Pourquoi ? Il y a deux décennies, Microsoft a correctement identifié le système d'exploitation - et non le hardware - comme le point de contrôle potentiel du marché des PC, c'est-à-dire la maille clef de la chaîne de valeur capable de procurer une position dominante sur la chaîne de valeur entière. Le marché a mis du temps avant d'être séduit. Ce n'est que lorsque l'adoption a été irréversible et la désertion pratiquement impossible qu'il a commencé à récolter les fruits de ses investissements. Et quelle récolte ! Netscape, au contraire, a visé la part de marché plutôt que le point de contrôle. Ayant gagné 95 % de part sur le marché des navigateurs Internet en très peu de temps, il a commencé à récolter au lieu de s'établir et de solidifier le navigateur en tant que point de contrôle du domaine Internet. Netscape contrôle encore 40 % du marché des navigateurs mais n'en tire aucun bénéfice. Certains croient que les « portails » tel Yahoo !, vont devenir le point de contrôle d'Internet. Récemment, Craig Barret, d'Intel, a émis l'hypothèse que la capacité à « packager » l'accès et les applications à valeur ajoutée pourrait émerger comme le point de contrôle d'Internet. Celui qui en ferait une réalité aurait la perspective de succéder à l'homme le plus riche du monde. Pete YOO est DG d'INNOVAL, une société internationale de conseil en stratégie. English translation / Next article |